De la fragilité à la sensibilité ou la puissance de l’humilité

Certaines personnes que j’ai accompagnées me parlaient de leur fragilité, source de leurs déboires, alimentant leur basse estime d’elles-mêmes et les obligeant dans des stratégies d’échec. Forcément... ils ou elles étaient "fragiles" ! Et d’ailleurs c’était sûrement vrai puisque certaines personnes très proches de leur entourage alimentaient cette croyance depuis leur plus jeune âge...

Ces hommes et femmes qui venaient me voir le vivaient mal. En effet, quelque chose leur faisait penser que ce n’était pas tout à fait juste. Un peu de colère malgré tout ? Eh oui... parce que ces individus étaient malgré tout convaincus qu’elles pouvaient faire d’autre choix, la preuve étant que cette conviction les poussaient à se faire accompagner. 

 

L’être humain est un capitaine de navire courageux

 

L’être humain, complexe par sa nature, navigue entre certitudes et doutes, entre désir et peur, qu’il équilibre comme il peut, et en tout cas, de la manière la plus juste qui soit au moment il agit. Chacun est un peu comme le capitaine plus ou moins myope, d'un navire  dont il connaît plus ou moins les capacités, et plus ou moins décidé à aller dans une direction, vers une destination plus ou moins fixe, sur une mer inégale et un temps plus ou moins stable alternant vents divers, belles éclaircies et brouillards plus ou moins épais... L'être humain est somme toute un être avec un minimum de courage, ce délicat dosage, ce "juste milieu entre la peur et l'audace", comme nous le rappelle Aristote. Car effectivement tout à affaire d'équilibre, plus ou moins stable, et pour le moins lorsque l'audace ou la peur se renforce. C'est ce qui arrive à notre coaché en entreprenant la démarche d'accompagnement.

Insatisfait de cette fragilité qui lui colle la peau, insatisfait de se sentir incompris, insatisfait parfois de ne plus savoir ce qu'il ou elle est et souhaite vraiment, et de ne pouvoir agir. La femme et l'homme "fragiles" ont du mal à croire en eux, à donner du crédit à ce qu'ils ressentent, interprètent en leur défaveur, et ne comprennent plus leur impuissance.  

Et tout est posé et se résume en quatre notions : fragilité, sensibilité, humilité et puissance.

 

L’être humain a besoin de croyances pour avancer

 

Fort d'un surcroît de peur ou d'audace qui permet de déclencher l'action courageuse, l'homme ou la femme "fragile" va expérimenter de nouveaux comportement qu'un changement de paradigme peut faciliter, seule ou accompagnée.

 

Nos certitudes, et nous en avons besoin pour avancer dans la vie, sont nos croyances. Elles ont une racine ancrée dans l’identité, ou tout du moins, ce que l’on pense être du ressort de notre identité. Ces croyances sont des repères et remparts qui nous font avancer en relative sécurité, tant qu’elles sont suffisantes. Et lorsqu’elle ne le sont plus, voire qu’elle deviennent limitantes dans notre développement, nous tentons, avec plus ou moins de réussite et de confort, de les remplacer par d’autres plus adéquates.

En fait, l'être humain se forge des croyances par utilité jusqu'à ce qu'elles ne le soient plus, voire qu'elles deviennent limitantes. Si il prend conscience qu'elles sont devenues inutiles ou limitantes, il s'en déleste et en crée de nouvelles, plus utiles.  

 

L’ancrage de la croyance de la fragilité

 

Dans ce qui nous occupe, “être fragile” est la croyance, ancrée notamment grâce à l’affect colorant les liens entretenus avec les personnes proches, dès l'enfance parfois. Nous pouvons en outre faire la distinction entre les deux affirmations suivantes : “je suis fragile”, qui se lie à l’identité, de “j’ai une fragilité”, qui se ramène à un comportement. La dernière, affirmation, nous le verrons en ce qui concerne l’être humain, me semble beaucoup plus juste. Dans tous les cas, une utilité hypothétique de cette croyance “je suis fragile”, qui pourrait en fait se traduire en général et de façon plus exacte par “on me dit fragile”, pourrait être de conserver le lien avec les personnes réellement auteures de cette affirmation. Et remettre en cause celle-ci serait-elle implicitement être déloyal? Et une utilité (cachée) de cette croyance serait-elle ici et par conséquent de rester loyal... ?

Si tel est le cas, ce type de croyance devient problématique lorsque vient le moment ou le désir d’être pleinement soi monte, et crée une tension insupportable : “être soi et être déloyal”, ou “être loyal et s’empêcher d’être soi”. Nous arrivons au point de bascule qu'il est important de bien éclairer afin que le passage se passe confortablement, et notamment avec une bienveillance pour tous les acteurs du système.

Pour ce qui nous préoccupe dans cet article, je propose de ce faire un focus sur deux mouvements :

- monter d’un cran permet de résoudre cette double contrainte, sorte de faux choix ou chaque option est perdante

- proposer l’humilité comme déclencheur et carburant de la puissance individuelle.

 

Revenir au sens pour distinguer le bon grain de l'ivraie

 

Monter d’un cran, dans la situation qui nous occupe c’est ici redéfinir les termes, les distinguer et les contextualiser.


La fragilité caractérise ce qui se brise facilement, ce qui est précaire, vulnérable, faible et instable. En creux, c’est le manque de robustesse qui est pointé.

La sensibilité est l’aptitude d’un organisme à réagir à des excitations externes ou internes, à s’émouvoir, à éprouver des sentiments d’humanité. Ce qui est donc pointé ici c’est la capacité de recevoir de l’information et de réagir en conséquence, à être en lien.


Même si l’être humain peut être brisé, et cela arrive malheureusement lors d'événements particulièrement traumatiques, la majorité d’entre nous est surtout pourvue de sensibilité. Un équilibre peut être fragile (on parlera d’instabilité), la santé d’un individu peut être fragile, un objet peut également l’être, mais l’être humain reste avant tout un être sensible, en lien avec son environnement, et doté de la capacité à ressentir des émotions. Par extension, la croyance que l’émotion n’a pas sa place dans le fonctionnement humain n’est pas naturelle, et ceci même si le monde de l’entreprise a bien du mal à l’admettre, confondant sensibilité et sensiblerie (sensibilité outrée). En outre lorsque l'on dit d'une personne, "Oh... il (ou elle) est trop sensible!" . L'intention ne serait-elle pas de juger du caractère fragile, plutôt que d'un état sensible?


L’être humain est certes plus ou moins sensible, tout au plus peut-il avoir une fragilité plus ou moins forte

Ceci corrobore un des principes de la Programmation Neuro Linguistique qui propose le principe suivant : “Nous ne sommes pas nos comportements, nous avons des comportements.” Et si nous en avons, nous pouvons nous en défaire alors que ce que nous sommes participe de notre identité.

 

Osons un petit pas de côté métaphorique...

Imaginez que l'être humain est un téléviseur : un "objet" qui reçoit des informations et qui en émet. On peut en distinguer sa qualité de réception et d'image (sensibilité) de sa qualité de construction, ses matériaux, ses composants (fragilité). Si l'on se centre sur deux téléviseurs de sensibilité (qualité de réception et d'image) différente... à constructeur égal, lequel vaut le plus cher ?

Concernant l'être humain, il m'st d'avis qu'une forte sensibilité est toujours un atout. Certes, faut-il bien savoir s'en servir.


Passons à l’humilité… source de bien des incompréhensions qui a pour racine la “terre”, humus en latin. l'humilité est la capacité de l’être humain à se voir de façon réaliste. Faire preuve d’humilité c’est accepter de voir ses manques et ses atouts, nous donnant le loisir d’explorer nos zones d’ombre et honorer nos zones lumineuses, comme les deux faces d’une même pièce. L'humilité se distingue donc de la modestie, et est à l’opposé de tout ce qui déforme la réalité, que ce soit de l’orgueil ou du dégoût de soi.

 

Refuser sa sensibilité par manque d’humilité

 

Et donc nous y arrivons. Refuser de se voir sensible, c’est refuser de voir la réalité de son humanité. Se voir fragile n’est pas juste. La justesse serait peut-être de parler de sensibilité à l’épreuve de situations précaires, fragilisantes, vulnérabilisantes.
Parce que oui, certaines situations nous envoie des informations générant des émotions que nous avons tendance à réprimer : harcèlement, surmenage, conflits relationnels, jugements systématiques. Il n’est pas rare que l’épuisement professionnel soit conforté par la croyance “j’y arriverai!”… Se voir réellement comme un être sensible, oblige à regarder en face ces émotions, possible en faisant preuve avant tout d’humilité.

 

De l’humilité sincère à la réelle puissance

 

Point de fausse modestie ni d'orgueil ou dégoût de soi donc, mais une sincère humilité, permet d’emprunter le chemin qui conduit à se rencontrer réellement. Faire preuve d'humilité est le point de départ qui révèle ses (in)capacités pour en combler les manques ou en honorer les talents. Dans le cas notamment de la sensibilité, en prendre conscience permet à terme d’en faire un atout puissant. En effet, la sensibilité, nous l’avons vu plus avant est la capacité à recevoir de l’information. Il est donc logique qu’en acceptant de développer notre capacité à traiter ces informations, y compris les émotions qu’elles suscitent, nous développons des comportements beaucoup plus pertinents voire puissants face aux situations que nous rencontrons et en lien avec les objectifs que nous nous fixons. Et plus notre spectre de réception (hypersensibilité) est large, plus le travail est certes complexe pour distinguer et traiter l'information, mais plus la puissance qui en découle est surprenante car est permet d'observer au plus près et au plus juste la réalité qui nous entoure.

 

l’humilité au service de la relation

 

En outre, dans certaines situations, faire preuve d'humilité contribue à apporter de la puissance et une forme de performance. Dans la relation d'accompagnement par exemple, laisser l'autre (le coaché) savoir l'autorise à chercher et trouver ses propres réponses. Pour l'accompagnant, ce mécanisme nécessite de travailler sur ses propres croyances et représentations, et lui permet de garantir le libre-arbitre de son client. Cette humilité crée un vide utile qui permet à l'autre de se positionner à sa juste place et donc de développer sa confiance en soi et sa propre puissance.

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